Archipels.org

Excipient.archipels.org est un atlas des écologies sensibles et populaires de Hautepierre. la démarche, née dans le cadre d'une recherche scientifique participative, s'est déroulée sur un temps relativement important, entre janvier 2018 et octobre 2021 par un groupement de jardinier·e·s, de chercheur·se·s et d'artistes.

Synthèse des différents attachements d’un groupe de jardinier·e·s de Hautepierre, ces paysages cartographiques abordent la question des engagements, non pas par les appartenances et militances politiques au sens institutionnel, mais par les affects, par les sens, ou autrement dit, une poesis pour habiter autrement le monde. 

Comment parler de la transition écologique autrement que par des mots vagues, abstraits, voire creux, parce qu’ils ne font pas écho à une expérience ou une représentation concrète ?​ Comment rendre justice des dimensions écologiques contenues dans les pratiques et les visions du monde d’habitants d’un quartier populaire ?

COMMENT DOCUMENTER ?

Pour parvenir à réaliser un fond de documentations des différents échanges et questionnements menées lors de goûters-ateliers, le collectif Horizome a proposé d'explorer plusieurs procédés narratifs dans l'idée de favoriser le débat tout en le documentant :​

-Utilisation de la nappe comme cartographie des discussions et des liens de connexion entre les acteurs et actrices du repas​

 -Création collective d'un escape game à ciel ouvert ayant pour objectif de s'échapper des clichés sur les quartiers populaires,​

-Cartographie animée des ressources alimentaires des jardiniers et des jardinières,​

 -Expériences sensorielles, d'écoute du paysage sonore in situ ou de senteurs végétales pour déclencher des témoignages de son rapport écologique au terrain,​

-Théâtre à la menthe en pied d'immeubles misant sur le théâtre-forum et la radio pour interroger la portée politique du jardinage avec l'ensemble des jardiniers,

​Autant de formats exploratoires pour tenter de laisser place à l'appropriation individuelle et collective autour des questionnements que soulèvent la transition écologique et alimentaire à Hautepierre.​ Des temps de formation numérique à la cartographie excipient.archipels.org ont également été organisés permettant à chaque jardinier d'être accompagné ou de réaliser en autonomie son portrait cartographique à partir d'un back office.

POURQUOI CARTOGRAPHIER ?

Conçue initialement pour les conquêtes commerciales ou militaires, la carte représente le pouvoir que marchands, soldats, administrations visent à exercer sur un territoire, sur ceux qui l’habitent, et qui sont ainsi transformés en objet.​ Mais lorsque ceux qui sont “objets” dans la carte s’en saisissent pour représenter ce qui compte pour eux, pour faire valoir leur point de vue sur un territoire, la carte peut devenir alors le support d’une prise de conscience politique dans une visée de transformation sociale. ​

C'est dans cet esprit que se sont développées des approches fondées sur la cartographie participative,  notamment dans le contexte des interventions de développement [1], ou dans des situations de fortes inégalités sociales et territoriales. La carte devient alors un outil qui vise à rendre le pouvoir d'agir et de transformer des relations de pouvoir [2 ; 3 ; 4]. ​

Les cartes sont « intensément symboliques » [5], elles ne représentent qu’une partie de la réalité sous des formes arbitraires, en fonction de ce qui intéresse ceux pour qui elles sont produites. ​

L’idée était donc de produire une carte qui permette aux participants de l’expérimentation de produire une image d'eux-mêmes et de leur territoire selon leur propre perspective. C’est en cela que l’objet carte apparait potentiellement subversif dès lors qu’on l’ouvre à la participation : les participants y représentent ce qui est habituellement invisible, ce à quoi ils attachent de l’importance, qu’ils jugent important de faire figurer, et non les éléments qui ne relèvent que de l’intérêt d’autorités de gestion rationnelle hétéronomes. 

​L’hypothèse était donc que la cartographie sensible (dans sa double acceptation de sensoriel et d’émotionnel) est susceptible d’une part de mobiliser, de susciter une participation, une implication ; et d’autre part de rendre compte des « écologies sensibles » au sens que l'anthropologue Tim Ingold [6] lui donne, c’est-à-dire "la manière dont des habitants d’un territoire utilisent et vivent dans un environnement donné".

[1] Chambers, Robert. 1994. « The Origins and Practice of Participatory Rural Appraisal ». World Development 22(7):95369. doi: 10.1016/0305-750X(94)90141-4.
[2] Barella, Jennifer. 2020. « Ramener La Justice Sociale Au Centre de La Carte : Propositions Pour Un Renouvellement Critique de La Cartographie Participative Axée Sur “l’empowerment” ». Geographica Helvetica 75(3):27184. doi: 10.5194/gh-75-271-2020.
[3] Cormier-Salem, Marie-Christine, et Tidiane Sané. 2017. « Définir un cadre méthodologique commun en cartographie participative: L’atelier collectif de Cabrousse en Casamance (Sénégal), de la théorie à la pratique ». Revue d’ethnoécologie (11). doi: 10.4000/ethnoecologie.2930.
[4] Harley, Brian. 2009. « Mapas, saber e poder: In Peter Gould e Antoine Bailly, « Le pouvoir des cartes et la cartographie », Paris, Antropos, 1995, p. 19-51. Traduzido por Mônica Balestrin Nunes ». Confins (5). doi: 10.4000/confins.5724.
[5] Urry, John. 2005. Sociologie des mobilités Une nouvelle frontière pour la sociologie ? Paris (21, rue du Montparnasse 75283): Armand Colin.
[6] Ingold, Tim. 2013. Marcher avec les dragons. Bruxelles: Zones sensibles.

CRÉDITS

Collectif Horizome (Marie-Élodie Savary, Mathilde Barbey, Manon Kaupp, Zaï Mo, Grégoire Zabé, Camille Landru, Pauline Desgrandchamp, Vincent Lebrou),  En collaboration avec le collectif de jardiniers de HTP (Geneviève Manka, Joséphine Hassouna, Véronique Hertaut, David Dumont, Ali Somer, Aziz Kouhous, Marie-Claire Nimh, Mustafa Tasci et Ahmed Moughazi)​ & le laboratoire LinCs, Université de Strasbourg (Laurence Granchamp, Romane Joly et Sarah Avrillier), ​

Avec le soutien du Ministère de la Transition écologique et de la solidarité. ​

Archipels.org

Archipels.org est un lieu de rencontre où se croisent des sources, des personnes, des images. Synthèse d’une réflexion autour des recherches menées notamment par Aby Warburg, Jean-Luc Godard, Augustin Berque ou encore Edouard Glissant sur des notions telles que la mémoire collective et individuelle, l’Histoire ou encore le territoire, la plateforme archipels.org présente, regroupe, organise et classe des documents de différentes natures sous forme d’Atlas.

À mesure que des recherches s’y développent, le territoire symbolique de l’atlas s’étend et se contracte, espace œcuménique du/des chercheurs, territoire à explorer pour les visiteurs comme pour les colonies qui s’y développent, qui le développent. L’enjeu d’un tel dispositif et de permettre une lisibilité à différents niveaux des liens symboliques, scientifiques, géographiques, taxinomiques, oniriques qui composent la culture et qui la définissent. Il s’agit également d’aborder avec de nouveaux outils ce que Warburg avait pu envisager comme une parapsychanalyse de la culture, et donc de mettre en relief des liens intrinsèques, des différences ou points communs entre différentes cultures.

Cosmologie d’un nouveau monde nourri par l’entreprise moderniste expansionniste, elle est un espace miroir, un satellite, un laboratoire critique, alternative pour de nouveaux accords, de nouveaux accrocs.

Depuis 2017, archipels.org acceuille en résidence des chercheurs de différents domaines.

archipels.org a été réalisé grâce au soutien du DICRéAM (Dispositif d'aide pour la création artistique multimédia et numérique), de la FNAGP (Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques) et a été lauréat de la bourse Brouillon d’un rêve Art numérique de la SCAM.

archipels.org est un projet de l'artiste Vincent Chevillon.
Graphisme et programmation: Samuel Rivers-Moore, Pierre Tandille, Gildas Paubert.